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The War Zone (www.twz.com)
submitted 6 hours ago by bill38@jlai.lu to c/monde@jlai.lu

Un site américain intéressant sur la guerre et les armes.

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submitted 1 day ago* (last edited 1 day ago) by xynthia@mastodon.tedomum.net to c/monde@jlai.lu

[Francophonie] [Afrique] À Mitahato, «premier village francophone du Kenya», parler français est «une grande opportunité»

@monde
https://www.rfi.fr/fr/afrique/20241004-%C3%A0-mitahato-premier-village-francophone-du-kenya-parler-fran%C3%A7ais-est-une-grande-opportunit%C3%A9

Plusieurs dizaines de chefs d’État et de gouvernement issus des pays membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) se retrouvent en France pour parler notamment de l’avenir du français. Une langue enseignée à Mitahato, qui se présente comme le « premier village francophone du Kenya ».

#francophonie #OIF #Afrique

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[francophonie] [Afrique] Est de la RDC: À Kisangani, l'usage d'un français parfois peu académique fait débat

@monde

https://www.rfi.fr/fr/afrique/20241004-est-de-la-rdc-%C3%A0-kisangani-l-usage-d-un-fran%C3%A7ais-parfois-peu-acad%C3%A9mique-fait-d%C3%A9bat

Les 4 et 5 octobre 2024, plusieurs dizaines de chefs d’États et de gouvernements issus des pays membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) se retrouvent en France pour parler notamment de l’avenir du français.

#Francophonie #OIF #OrganisationInternationaleFrancophonie

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submitted 1 day ago by klaqaus@sh.itjust.works to c/monde@jlai.lu

La scène se déroule au club de golf de Donald Trump, à Bedminster, dans le New Jersey. L’ancien président des États-Unis est confortablement assis dans un fauteuil. A ses côtés, Theo Von, coupe mulet et petite barbichette. Ce comédien de stand-up, aux commandes de* « *This Past Weekend », l’un des podcasts les plus écoutés du pays, reçoit le candidat républicain à la présidentielle du 5 novembre.

Une heure d’une conversation amicale, où la discussion roule sur la pratique de la chasse des enfants Trump, la passion commune des deux hommes pour l’Ultimate Fighting Championship, le très populaire championnat de MMA, avant d’enchaîner sur le combat contre l’alcoolisme du frère de Donald Trump, Fred, mort en 1981. Sans oublier une séquence devenue virale, au cours de laquelle le milliardaire s’enquiert des effets de la cocaïne sur son hôte, qui lui répond que cette drogue transforme « en putain de hibou ». Pas moins de treize millions de personnes ont visionné le programme sur YouTube depuis sa diffusion, fin août.

Ces derniers mois, Donald Trump multiplie les apparitions dans des émissions animées par des personnalités masculines qui affolent les compteurs des réseaux sociaux, à l’image de Theo Von. Une tournée des popotes version testostérone qui ne doit rien au hasard. Il espère ainsi toucher leur public, en très grande majorité des hommes jeunes, peu portés sur la politique, qui ne s’informent ni par la télévision ni par les médias traditionnels. Dans ces shows, le républicain discute politique, sports de combat, cryptomonnaies ou immigration.

On l’a vu chez Adin Ross, mégastar du Net, banni en 2023 de Twitch, plateforme de diffusion en direct, pour avoir publié des déclarations homophobes et des contenus haineux. Ou encore chez Logan Paul, combattant professionnel de MMA et célèbre influenceur qui compte plus de 50 millions de followers. Les Nelk Boys, des youtubeurs adulés par leurs abonnés qui ne se lassent pas de leur vulgarité et de leur humour gras, lui ont aussi donné carte blanche en 2022 et en 2023. Début août, la bande d’Américano-Canadiens a reçu les premières confidences de son colistier, J. D. Vance.

Le vote des potes, des mecs

Près de quarante et un millions de représentants de la génération Z (les moins de 30 ans) sont appelés aux urnes le 5 novembre, dont plus de huit millions de primo-votants, selon le Center for Information and Research on Civic Learning and Engagement (Circle). Alors que la question de l’avortement a boosté la candidature de Kamala Harris chez les électrices, notamment dans cette catégorie d’âge, Trump pense avoir trouvé une parade.

*« Il cherche à attirer des jeunes hommes blancs, mais aussi noirs, hispaniques ou asiatiques, *décrypte Katherine Haenschen, professeure assistante de science politique à la Northeastern University, à Boston. Il joue sur les insécurités liées à l’économie et sur celles liées à leur frustration vis-à-vis des femmes. Certains ont le sentiment que l’Amérique leur devient hostile : ils voient les femmes prendre de l’avance dans l’éducation, obtenir des rôles qui étaient traditionnellement réservés aux hommes, et ils n’aiment pas ça. »

C’est ce que le New York Times appelle le vote des *« bros », *un raccourci familier de *brother, *soit le vote des potes, des mecs. Il s’agit d’une partie des 18-29 ans longtemps considérée comme inaccessible, mais dont les républicains pensent qu’elle pourrait faire basculer l’élection cette année.

Un vague souvenir des excès de l’ancien président

Face à eux, Donald Trump se veut le représentant d’une virilité traditionnelle. A 78 ans, le milliardaire, qui a longtemps cultivé son côté playboy, aime se présenter comme un leader fort et charismatique. Il a récemment promis aux femmes d’être leur *« protecteur », *malgré les sorties sexistes dont il est coutumier et sa condamnation au civil, en 2023, à verser plus de [88 millions de dollars de dommages et intérêts] à l’autrice Elizabeth Jean Carroll pour agression sexuelle et diffamation.

La plupart de ces jeunes n’ont qu’un vague souvenir des excès de sa présidence et du chaos qu’il a semé en appelant [à marcher sur le Capitole le 6 janvier 2021]. Quand il a remporté la Maison Blanche en 2016, ils n’étaient encore que des enfants ou des adolescents. Le format de ces émissions lui permet de dérouler posément ses arguments, voire ses mensonges, face à des personnalités bienveillantes. Le candidat tire aussi parti de la relation que les fans entretiennent avec leur influenceur favori, avec lequel ils se sentent en confiance.

Parfois, les hôtes ne cachent même pas leur sympathie. Adin Ross a ainsi offert à l’ancien président une montre Rolex et un pick-up Tesla Cybertruck customisé aux couleurs de sa campagne. Mi-septembre, deux des Nelk Boys sont montés à la tribune de son meeting à Las Vegas pour dire tout le bien qu’ils pensent de lui. Ces derniers ont aussi répondu présents pour inciter leurs auditeurs à s’inscrire sur les listes électorales.

La stratégie de Trump peut-elle s’avérer payante quand Kamala Harris mise, elle, sur la viralité d’Instagram et de TikTok pour atteindre les plus jeunes électeurs ? Aux Etats-Unis, les moins de 30 ans ont l’habitude de voter massivement pour les démocrates. En 2020, ils s’étaient particulièrement mobilisés, plaçant très largement Joe Biden devant Donald Trump. *« Si ce dernier parvient à réduire la marge de Kamala Harris auprès des jeunes, cela peut changer la donne dans les Etats-clés », *indique la professeure Katherine Haenschen. Dans une élection qui s’annonce serrée, chaque voix compte.

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cross-posted from: https://jlai.lu/post/11113885

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Littérature pakistanaise : du sort des femmes dans les hauteurs de l’Himalaya

@monde

C’est dans un univers profondément dépaysant que nous transporte Mille et une roses sauvages, le roman de l’auteure pakistanaise Feryal Ali-Gauhar : celui de la haute montage, les régions de l’Himalaya où vivent des communauté isolées.

#Livre #Hymalaya #FeryalAliGauhar

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submitted 2 days ago by klaqaus@sh.itjust.works to c/monde@jlai.lu

Réflexion intéressante sur le le populisme punitif, une dictature "cool" et le kaki washing.

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Chine-UE : un accord est-il possible sur la taxation des véhicules électriques chinois en Europe ?

@monde

L’Union européenne s’apprête à prendre une décision définitive sur la taxation des exportations chinoises de voitures électriques. Après des mesures provisoires imposées le 4 juillet dernier les ajustements se poursuivent et les positions des Européens fluctuent sous forte pression de Pékin.

#UE #UnionEuropeenne #Chine #économie #voitureElectrique

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Vietnam : une longue marche vers la prospérité

@monde

https://asialyst.com/fr/2024/09/20/vietnam-longue-marche-prosperite/

Hanoï s’est fixé l’objectif de rejoindre le club des pays développés en 2045. Un projet ambitieux et semé d’embûches, car le Vietnam n’est pas la Chine. Le pays commence à vieillir, le contexte international est beaucoup moins porteur, les ravages du changement climatique et de la pollution mettent en danger la soutenabilité de la croissance, et le Parti Communiste ne change pas.

#Vietnam #Économie

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Le 7 octobre : la double falsification de l’histoire

@monde

https://www.politis.fr/articles/2024/10/israel-palestine-le-7-octobre-la-double-falsification-de-lhistoire/

Dès le lendemain de l’attaque du Hamas, il y a un an, un récit s’est imposé dans l’espace public. Il n’y aurait pas d’« avant », et l’« après » n’aurait été que légitime défense d’un État menacé dans son existence même. Toute tentative d’affirmer le caractère colonial du conflit israélo-palestinien est devnue suspecte d’antisémitisme.

#israel #palestine #netanyahou

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submitted 2 days ago* (last edited 2 days ago) by xynthia@mastodon.tedomum.net to c/monde@jlai.lu

[USA] [Trump] Assaut sur le Capitole : Donald Trump accusé d'être impliqué "à titre privé"

@monde
https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20241003-assaut-capitole-trump-implique-a-titre-prive-immunit%C3%A9-pr%C3%A9sidentielle

Dans un document rendu public mercredi, le procureur spécial en charge de l'enquête sur les tentatives de Donald Trump d'inverser les résultats de 2020 estime que ce dernier a agi "à titre privé en tant que candidat". Ces faits ne seraient donc pas couverts par l'immunité pénale reconnue au président américain cet été par la Cour suprême.

#usa #DonaldTrump #CoupEtat

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Israël/Palestine : pour aller plus loin

@monde
https://www.politis.fr/articles/2024/10/selection-israel-palestine-pour-aller-plus-loin/

Une sélection de livres, de films, de documentaires, etc. pour compléter la lecture de notre numéro spécial consacré au conflit israélo-palestinien, un an après le 7 octobre.

#israel #palestine #livre #film

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Un tournant dans la crise des sans-abri ? Depuis que la Cour suprême a décidé fin juin qu’il n’existait aucun droit constitutionnel à dormir dans la rue, les municipalités de l’Ouest américain commencent à démanteler les campements, et notamment en Californie, l’Etat qui compte quelque 186 000 homeless, soit un tiers des personnes sans logement aux Etats-Unis.

Le 28 juin, la Cour suprême a renversé une jurisprudence de 2019 qui interdisait aux villes de criminaliser le fait de dormir dans un lieu public si elles n’étaient pas en mesure de proposer un hébergement aux sans-abri – ceci au nom du 8e amendement de la Constitution qui prohibe les châtiments « cruels et inhabituels ».

La Cour a estimé que le 8e amendement ne s’appliquait pas à la situation des homeless. Une décision majeure qui permet de nouveau aux municipalités d’imposer des amendes voire des peines de prison aux sans-abri, même si aucune solution d’hébergement n’est disponible.

Décriée par les associations humanitaires, la prise de position des juges a été saluée par les élus, notamment démocrates, majoritaires dans les grandes villes de l’Ouest et débordés par l’augmentation du nombre de sans-abri sur leur territoire, par ailleurs en baisse dans le reste du pays. En période électorale, les élus ne peuvent ignorer que le spectacle des homeless prostrés sur les trottoirs est un crève-cœur de plus en plus intolérable pour leurs concitoyens.

Fin juillet, le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, l’un des porte-voix de la gauche progressiste aux Etats-Unis, a rendu un décret ordonnant à ses services de commencer à éliminer les tentes installées sur des terrains appartenant à l’Etat : parcs, plages, édifices publics, bords des routes, zones se trouvant sous les échangeurs d’autoroutes. Les agents ont été invités à procéder « humainement » : les expulsés doivent être prévenus de quarante-huit à soixante-douze heures à l’avance, être mis en relation avec les services sociaux, et leurs biens personnels être étiquetés et conservés pendant au moins soixante jours.

Le gouverneur est allé lui-même donner l’exemple : il a déblayé tentes et détritus sous un pont d’autoroute avec les agents municipaux des transports. Gavin Newsom s’impatiente. Depuis son entrée en fonction en 2019, le Golden State a consacré quelque 24 milliards de dollars à essayer de résoudre la question des sans-abri. Les statistiques ont à peine évolué : toujours 186 000 personnes dans la rue, selon le recensement effectué en janvier, soit cinq mille de plus qu’en 2023. Sanctions pénales

La plupart des municipalités californiennes ont commencé à démanteler les villages de tentes. Quatorze d’entre elles ont publié des ordonnances interdisant le camping. Santa Monica songe même à interdire aux sans-abri de transporter sacs de couchage et oreillers. Mais certains élus, comme Karen Bass, la maire de Los Angeles, s’inquiètent des conséquences de la décision de la Cour suprême. « Il ne faudrait pas qu’elle soit utilisée comme une excuse pour tenter de résoudre le problème des sans-abri par des arrestations ou cacher la crise dans les villes voisines ou en prison », a-t-elle réagi.

Depuis son élection en 2022, Karen Bass a fait de la crise des sans-abri – quelque 45 000 personnes dans la mégalopole de Californie du Sud – une priorité. Elle a multiplié les acquisitions de motels pour héberger les homeless et les rapprocher des services sociaux. Pour la première fois en six ans, le nombre de personnes sans abri à Los Angeles a légèrement diminué, selon le recensement effectué en janvier par l’Autorité des services pour les sans-abri.

London Breed, la maire de San Francisco, s’est au contraire félicitée de ses nouveaux pouvoirs. Confrontée à une réélection difficile le 5 novembre, la démocrate a ordonné le démontage des tentes et multiplié les offres de tickets de bus gratuits à ceux prêts à quitter la ville. Elle a aussi commencé à s’attaquer aux véhicules en stationnement illimité dans lesquels dorment les sans-abri, non pas les toxicomanes installés dans le centre-ville, mais des travailleurs précaires, voire des étudiants. Ses services imposent désormais des sanctions pénales contre les « campeurs » qui refusent un hébergement. « Nous ne pouvons pas laisser les gens rester dans des tentes s’ils refusent nos offres, a-t-elle expliqué. Et nous ne le ferons pas. »

Le durcissement n’est pas sans effet. Fin septembre, vingt-six tentes avaient été dénombrées à Tenderloin, le quartier des sans-abri et des hôtels précaires à San Francisco : le nombre le plus bas depuis le 1er mai (elles étaient alors plus de soixante-dix). Depuis que la ville a intensifié l’application des lois anticamping, le 1er août, la police a interpellé 215 sans-abri, selon le média en ligne The San Francisco Standard : 80 % d’entre eux pour occupation illégale ; les autres pour possession de drogue, présentation d’une fausse identité ou en vertu de mandats d’arrêt en cours.

Les démocrates sont au pied du mur. Les républicains ont fait de la Californie le punching-ball de leurs attaques contre la gauche et le symbole de l’échec des politiques progressistes et du déclin qui attend l’Amérique si elle cède aux sirènes de Kamala Harris, ex-procureure et sénatrice du Golden State, et de ses amis comme Gavin Newsom. « Il est important que les forces progressistes du pays montrent qu’elles sont capables de gérer » la question des sans-abri, a considéré le membre du conseil municipal de San Francisco Rafael Mandelman, peu après le début du démantèlement des tentes.

Pour les électeurs, il est plus que temps. Elu maire de San Francisco en 2004, Gavin Newsom promettait déjà de régler le problème des homeless, comme le lui rappellent régulièrement les républicains. A son départ de la municipalité en 2011, plus de six mille personnes étaient toujours sans logement. A peine moins qu’aujourd’hui.

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Ça commence par une paire d’yeux qui s’écarquillent dans un restaurant chic niché sous un pont à Tokyo : «Comment ? Vous avez rencontré Kohei Saito ?» Le décor est planté : dans l’archipel nippon, le jeune philosophe marxiste a l’aura d’une rock star. Lui-même s’amuse de cette popularité si soudaine, qu’il décrit comme un «non-sens». Hitoshinsei no «Shihonron» («le capital dans l’anthropocène»), dont la version française vient de paraître aux éditions du Seuil sous le titre Moins ! La décroissance est une philosophie, est devenu un petit phénomène de masse au Japon lors de sa sortie en 2020.

En moins d’un an, le livre s’est vendu à plus de 500 000 exemplaires, si bien que la chaîne de librairies Maruzen, dans le quartier de Marunouchi, à Tokyo, a ouvert une section intitulée «Redécouvrir Marx». Le livre a depuis été publié dans douze pays, et Saito est reçu en invité de marque. En France, c’est l’Institut La Boétie, le think tank de La France insoumise (LFI), qui lui avait offert le micro lors de sa venue à l’automne 2023, avant d’investir le centre Pompidou le 20 septembre dernier. La «hype» autour de Kohei Saito frôle le paradoxe : son succès est devenu un argument de vente en soi, au-delà des apports du livre en lui-même. Dans les carnets personnels de Marx

Il faut reconnaître que la thèse du livre a de quoi intriguer : d’après Kohei Saito, Karl Marx se serait intéressé, sur la fin de sa vie, aux limites de la croissance et aurait développé une pensée écologique qui mérite d’être redécouverte à l’heure de l’anthropocène. Pour justifier ce scoop, Saito propose de relire Marx à l’aune d’un matériau nouveau : les carnets personnels du philosophe allemand, qu’il a étudiés lors de sa thèse à Berlin. C’est à partir de ces écrits que Saito a compris pourquoi «Marx a tant tardé avant de publier les volumes II et III du Capital, alors qu’Engels le harcelait presque pour qu’il le fasse», racontait-il, lors d’une rencontre à Tokyo à l’été 2023. Selon lui, deux découvertes ont bouleversé Marx.

D’abord, il découvre les sociétés précapitalistes, où il est tout particulièrement fasciné par la manière de distribuer les terres selon un système de tirage au sort renouvelé régulièrement, qu’il considère comme une clé pour minimiser la concentration des richesses. Ensuite, il se passionne pour les sciences naturelles, et se documente sur l’appauvrissement des sols en Irlande et l’épuisement du charbon en Angleterre : il en déduit que l’industrialisation crée une «rupture métabolique», c’est-à-dire une situation où les humains consomment plus de ressources que ce que la nature est capable de fournir.

Fort de ces enseignements, Saito, qui se présente comme ayant longtemps été «un marxiste très classique, occupé uniquement par la lutte des classes», et qui raconte avoir eu une prise de conscience des enjeux environnementaux suite à la catastrophe de Fukushima, en vient à se demander comment Marx analyserait-il les centrales nucléaires ? Organiser la production de manière soutenable

Alors que l’économiste allemand est généralement présenté comme l’un des pères de l’industrialisme, clamant qu’il faut reconquérir et développer les forces productives pour libérer le prolétariat, voilà Kohei Saito qui oppose : «Sur la fin de sa vie, Karl Marx en vient à penser qu’il faut changer le système, mais pas en développant la production, nous exposait-il. Il propose plutôt de revenir à d’anciennes formes de production, tout en utilisant certaines des technologies les plus récentes – celles qui nous permettent d’atteindre l’objectif d’organiser la production de manière soutenable.» Kohei Saito donne un nom à ce type d’organisation : la «société de communisme décroissant».

Il suffisait peut-être de réunir deux des mots les plus controversés en une même formule pour faire exploser les ventes. C’était, en tout cas, assez pour que toutes les obédiences (des ultralibéraux aux primitivistes) s’écharpent sur l’ouvrage pour en faire leur livre de chevet ou un autodafé. Kohei Saito se voit offrir l’occasion de développer ses théories sur la radio nationale japonaise, la NHK, lors d’un long programme dans lequel il décortique la pensée de Marx ; dans la foulée, son éditeur, qui venait de publier une version simplifiée des écrits de Marx, croule sous les demandes de jeunes lecteurs. Les préconisations formulées par Kohei Saito

Pour saisir cet engouement, il faut comprendre que le livre de Saito arrive dans un Japon prêt à entendre de nouvelles voix sur l’économie. D’abord, le Covid-19 a «mis en évidence les inégalités économiques» et «montré que le capitalisme peut être mis en pause», veut croire Saito. Ensuite, toute une génération, née dans les années 90, n’a connu qu’une économie stagnante, voire en récession, ballottée par la crise de 2008 et la catastrophe de Fukushima en 2011. Une certaine désillusion règne quant aux mesures libérales proposées par le gouvernement pour se tirer du marasme, et de nombreux jeunes japonais préfèrent s’exiler à la campagne plutôt que de s’enfermer dans des bureaux. Un certain nombre était donc désireux de s’entendre dire qu’il faut se débarrasser du capitalisme une bonne fois pour toutes, et preneur de quelques recettes pour le faire.

C’est d’ailleurs sur les préconisations qu’il formule que Kohei Saito est le plus souvent attaqué : au-delà de certains marxistes qui lui reprochent de n’avoir rien compris à leur icône, Saito est ciblé par les libéraux qui préfèrent miser sur l’économie sociale et solidaire plutôt que faire la peau au marché. A gauche, Kohei Saito s’inscrit, malgré lui, dans un clivage entre deux tendances irréconciliables. D’un côté, les adeptes de la décroissance, dont il reprend les principaux auteurs – il s’appuie régulièrement sur les travaux de Jason Hickel et de Giorgos Kallis. De l’autre, les éco-modernistes, qui, à l’instar du magazine américain Jacobin, pensent que la décroissance de Saito va écraser le prolétariat, et préfèrent s’en remettre au progrès technologique.

Une autre ligne de critique semble plus pertinente : là où Marx dessinait des perspectives révolutionnaires concrètes pour le prolétariat, Saito se contente d’affirmations péremptoires mais peu crédibles – «toutes les entreprises doivent devenir coopératives [dans la lutte contre le changement climatique] ou arrêter de commercer», écrit-il par exemple, sans que l’on comprenne bien comment faire coopérer lesdites entreprises. Sans être un intellectuel engagé, Saito s’investit depuis plusieurs années dans une ferme coopérative gérée avec des amis, sur des terres communes, et s’en inspire parfois pour illustrer ce à quoi pourrait ressembler une société de communisme décroissant. Une manière de montrer, peut-être, que contrairement à ce que dit l’adage, ce qui unit l’écologie et la lutte des classes, c’est aussi le jardinage.

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publication croisée depuis : https://jlai.lu/post/10950180

Le Hezbollah a publié un communiqué confirmant la mort de son secrétaire général, Hassan Nasrallah, qui a été tué lors d'une frappe aérienne israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth vendredi, mettant fin à son mandat de 32 ans à la tête du groupe.

La déclaration ne mentionne pas qui succédera à M. Nasrallah, ni comment le groupe réagira à l'assassinat de son chef de longue date.

Le Hezbollah a ajouté qu'il poursuivrait sa lutte contre Israël.

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L’un est un éminent professeur au Collège de France, où il dirige la chaire «Questions morales et enjeux politiques dans les sociétés contemporaines». L’autre est un incontournable enseignant en sciences politiques qui vit en Israël depuis cinquante ans et se définit comme un citoyen franco-israélien de gauche. Dans Une étrange défaite (la Découverte), Didier Fassin, dont les travaux portent sur la question de «l’inégalité des vies», revient sur le soutien «passif et actif» des pays occidentaux à la destruction de Gaza et au massacre de sa population.

Sa vision de l’intensification du conflit au Proche-Orient depuis le 7 Octobre diverge parfois profondément de celle de son confrère Denis Charbit qui publie Israël : l’impossible Etat normal (Calmann-Lévy). Pour ce dernier, professeur de sciences politiques à The Open University of Israël, cette guerre, qui a commencé bien avant l’attaque sanglante du Hamas en Israël il y a un an, a annihilé toute notion d’universel chez les Israéliens comme chez les Palestiniens. Guerre des récits, qualification de génocide, antisémitisme… Entre les deux chercheurs, les points d’entente sont rares, mais la volonté de dialogue bien présente.

Quelles leçons tirez-vous de l’année qui vient de s’écouler ?

Denis Charbit : Ce fut l’année terrible. Israéliens et Palestiniens sont sous la coupe des leaders les plus funestes qu’ils ont connus depuis un siècle. On parle du «jour d’après», mais si Nétanyahou est réélu aux prochaines élections, il n’y en aura pas. Pas plus de «jour d’après», au demeurant, si le Hamas se maintient, si exsangue soit-il. Le 7 Octobre a fait ressurgir la question palestinienne en Israël non à travers l’opération elle-même, le nombre de morts pourtant sans précédent, ou encore la prise d’otages, mais à travers les modalités du massacre, la jouissance de donner la mort et de la filmer. La manière dont le Hamas a opéré vise à rendre impossible toute perspective de réconciliation. Afin qu’il n’y ait plus un seul Palestinien qui trouve légitime la présence des Israéliens sur cette terre et pour qu’en Israël, plus aucun Juif ne puisse pardonner et chercher la paix.

Un abri, dans le kibboutz Mefalsim, où des personnes ont été tuées alors qu’elles y cherchaient refuge le 7 Octobre. (Amir Cohen/REUTERS)

Même si la situation était invivable en Palestine, on ne saurait conférer à ce qui s’est passé la dignité d’une «révolte». C’est nier et noyer l’horreur de l’événement. Le Fatah, qui a commis maints attentats, n’aurait jamais entrepris un pareil massacre. Quand António Guterres dit : «It did not happen in a vacuum» [«cela ne s’est pas produit en dehors de tout contexte», ndlr], tout le monde a pensé à la «Nakba» et à l’occupation, faisant passer à la trappe le ressort majeur de cette attaque : l’islamisme.

Didier Fassin : Il y a une triple temporalité de cette année écoulée. La première correspond à une date, le 7 Octobre, qui a profondément traumatisé les Israéliens et une grande partie des Juifs de la diaspora, car c’est l’attaque la plus meurtrière subie par le pays depuis sa naissance et elle a ébranlé la confiance que les habitants avaient dans l’invincibilité de leur armée. La seconde se réfère aux mois qui ont suivi, avec la destruction de Gaza. Elle procède d’une intention proclamée par le gouvernement israélien et ses plus hautes instances militaires de punir non pas simplement le Hamas, mais aussi la nation palestinienne, en éliminant le territoire de la face de la Terre, dans les mots du vice-président de la Knesset. La troisième se rapporte à ce qui s’est passé avant, qu’on remonte à la déclaration Balfour de 1917, à la création d’Israël sous l’égide des Nations unies en 1948, ou encore, ce qui est plus souvent retenu, à la fin de la guerre des Six Jours en 1967.

Dans le quartier d’Al Rimal, dans l’ouest de la ville de Gaza, le 10 octobre 2023. (Loay Ayyoub/Getty Images)

Mon travail a été de relier cette triple temporalité et de voir comment elle a été traitée, parfois malmenée, souvent effacée voire censurée. S’agissant du 7 Octobre, une version la qualifie de pogrom, autrement dit un assassinat de Juifs en tant que tels. C’est celle qui s’est imposée dans la plupart des pays occidentaux, le président français parlant du «plus grand massacre antisémite de notre siècle». L’autre la désigne comme une résistance, la considérant comme une réponse tragique à des décennies d’occupation. Une analyse dénoncée dans ces pays comme apologie du terrorisme. Le choix de l’une ou l’autre de ces versions a des conséquences importantes. S’il s’agit d’un pogrom, c’est un crime contre l’humanité qui évite tout contexte historique et nie toute responsabilité israélienne. S’il s’agit d’un acte de résistance, aussi terrible soit le meurtre de civils, il y a ce que les anthropologues appellent une «situation», qu’il importe de comprendre en vue d’une solution pacifique.

Aujourd’hui, peut-on encore être à la fois pro-israélien et pro-palestinien ?

D.C. : Je peux reprendre à mon compte une partie du propos de Didier Fassin, mais cette lecture reste foncièrement hémiplégique. On peut et on doit accabler Israël, et je le fais, mais il faut se tenir sur une ligne de crête et entendre ce qu’il y a d’audible dans chacune des deux parties. Vous prétendez examiner les thèses de part et d’autre : il n’y a pas une seule thèse côté israélien que vous reprenez à votre compte. Car ce qui préside dans le débat d’idées autour de ce conflit, c’est la logique du prétoire. Notre fonction comme intellectuel n’est pas d’être l’avocat de la défense pour sauver son client devant le tribunal de l’histoire en prenant bien soin de cacher ses fautes.

Je ne suis pas là pour défendre une cause, mais poser à chacune des parties la limite à ne pas franchir. Israël a le droit d’exister, pas celui de coloniser. Les Palestiniens ont le droit à l’autodétermination, pas celui de liquider Israël en paroles et en actes. S’il y a bien une année où il aurait dû être particulièrement compliqué de se déclarer pro-palestinien ou pro-israélien, c’est bien cette année. Concernant le massacre, quelle est la part du libre arbitre et la part du contexte ? Je plaide par principe : 50-50. Sartre explique dans L’existentialisme est un humanisme que même en prison, un détenu peut décider de coopérer avec son geôlier ou de déclencher une mutinerie.

Comme j’accorde plus de poids à la conscience individuelle, la formule devrait être : 49 % de nos actes relèvent du contexte, 51 % à notre responsabilité propre. On n’exonère donc pas le Hamas à cause du contexte, pas plus qu’Israël. Je suis d’accord avec vous quand vous notez que les gouvernements européens ont soutenu Israël pendant la guerre. Mais on ne peut le dire des médias ou des intellectuels. Pour expliquer ce soutien, vous émettez l’hypothèse de la culpabilité des pays occidentaux qui tiennent à se racheter après l’Holocauste. C’est vrai pour l’Allemagne, pas pour les autres Etats. Puis vous avancez une seconde explication : le racisme antimusulman des élites européennes. Or, il me semble que la raison du soutien à Israël tient à la fois à la menace iranienne et au massacre du 7 Octobre.

D.F. : Rappeler l’histoire n’est pas mettre en cause l’existence de l’Etat d’Israël. Evoquer que cette existence est un fait colonial, c’est simplement se souvenir que le colonisateur britannique en est à l’origine, et que la colonisation se poursuit depuis plusieurs décennies. Mais les Etats-Unis ou l’Australie ont aussi une histoire coloniale. Ensuite, expliquer n’est pas justifier. Cette confusion a souvent été utilisée pour délégitimer le travail des sciences sociales. Dans l’Etrange Défaite, quand Marc Bloch explique les raisons de la débâcle française face à l’armée allemande, il ne justifie rien.

Venons-en aux explications du consentement des pays occidentaux à l’écrasement de Gaza. L’invocation de la dette des pays occidentaux à l’égard d’Israël doit être relativisée, car même les Allemands admettaient après la Seconde Guerre mondiale aider Israël pour établir un bastion occidental dans un monde arabe hostile. Cet enjeu géopolitique est essentiel, sans cesse rappelé par Nétanyahou. Les dimensions économique, avec la création d’un grand marché au Moyen-Orient, et militaire, avec la livraison d’armements, sont également importantes. Mais on ne peut nier l’exacerbation récente d’un racisme antiarabe et antimusulman documenté par de nombreuses enquêtes internationales. Or, les Palestiniens sont arabes, majoritairement musulmans et, de surcroît, insidieusement associés au terrorisme.

Selon vous, est-il pertinent de parler d’un génocide des Palestiniens à Gaza ?

D.F. : Concernant la qualification de génocide, des arguments solides ont été apportés par l’Afrique du Sud, jugés plausibles par la Cour internationale de justice. Il s’agit de l’intention, exprimée par les plus hauts dignitaires israéliens, de faire disparaître Gaza et ses habitants, et de sa concrétisation à travers les bombardements des populations civiles, l’asphyxie du territoire par un siège total, le blocus de l’aide internationale, les meurtres de travailleurs humanitaires. Mais l’officialisation de cette qualification n’interviendra éventuellement qu’au terme d’un long processus judiciaire dans lequel les rapports de force entre pays pourront s’avérer plus déterminants que le droit international. La possibilité d’un génocide commis par l’Etat hébreu créé après la Shoah est une question éminemment sensible.

D.C. : Il y a une réalité indéniable : le nombre de civils tués par les frappes aériennes d’Israël. Je ne crois nullement à l’intention génocidaire d’Israël au sens d’élimination systématique. Deux facteurs expliquent cette hécatombe : les mécanismes qui permettent à une population civile d’être épargnée n’ont pu jouer à Gaza : pas d’abri souterrain pour les protéger et pas de pays voisin pour s’y réfugier. La rage consécutive au 7 Octobre et la détermination à éradiquer le Hamas ont conduit le gouvernement et nombre d’Israéliens à s’affranchir des règles qui encadrent un conflit. Il n’y a pas eu de volonté préalable, mais on s’est accommodé d’un bilan meurtrier si élevé. Comme aurait dit le philosophe israélien Yeshayahou Leibowitz (1903-1994), disparu il y a trente ans : «Même si cela peut être justifié, cela reste maudit.» Trop de mes concitoyens penchent du côté de la justification. Je fais partie de ceux, minoritaires, qui jugent la riposte maudite.

La question de l’égalité des vies, sur laquelle vous avez beaucoup travaillé, Didier Fassin, est au cœur des tensions…

D.F. : Lors des deux précédentes guerres à Gaza, en 2009 et en 2014, il y a eu 250 fois plus de civils tués du côté palestinien que du côté israélien. Dans le conflit en cours, on parle de plus de 40 000 morts, nombre sous-estimé, car il ne prend en compte que les corps retrouvés. En proportion de la population, c’est l’équivalent de 1,3 million de morts en France. Mais l’inégalité des vies ne se résume pas à une comptabilité des morts. Elle tient à la qualité des existences vécues, d’un côté, par les Israéliens libres de se déplacer, d’étudier, de travailler, d’être des sujets de droit, et de l’autre, les Palestiniens sous la menace permanente de destruction de leurs champs, d’attaques de colons, de tirs de soldats, d’emprisonnements illimités sans chef d’accusation.

Depuis le 7 Octobre, le traitement médiatique de ces vies a été largement asymétrique. Des Israéliens, on a décrit le quotidien, les inquiétudes, les colères. On a moins parlé des exactions de leurs soldats et des tortures infligées à leurs prisonniers. Des Palestiniens, on n’a guère entendu la voix pour savoir les souffrances des mères dénutries incapables d’allaiter leurs nouveaux-nés et les traumatismes des enfants orphelins et blessés. Après la libération de quatre otages israéliens par l’armée le 8 juin dernier, les grands médias audiovisuels ont rendu compte de cette opération réussie et du soulagement des familles, mais se sont contentés de mentionner en fin de reportage les 274 morts et plus de 700 blessés parmi les civils palestiniens lors de l’intervention. Un autre récit présente cette opération comme le «massacre de Nuseirat».

D.C. : J’envie les Européens pour qui une vie en vaut une autre. Mais ne nous leurrons pas. La logique de guerre au Moyen-Orient anesthésie la notion d’universel et déshumanise. Je ne peux pas penser une seconde que pour un Palestinien, la vie d’un Israélien est égale à la sienne. Et vice versa. Les 1 200 morts israéliens m’ont arraché des larmes que je n’ai pas versées pour les civils parmi les 40 000 morts palestiniens. Je le déplore, bien entendu.

La proximité géographique, ethnique, religieuse, linguistique, familiale joue dans l’émotion que nous ressentons face à la mort de quelqu’un. Mais si l’on s’est plus apitoyé en Europe sur les victimes israéliennes que sur les victimes palestiniennes autrement plus nombreuses, ce n’est pas à cause de la nationalité, de la religion ou de la condition politique de la victime, mais à cause des conditions dans lesquelles la mort a été infligée.

C’est-à-dire ?

D.C. : Larguer une bombe qui fait des centaines de morts et massacrer un par un des festivaliers de Supernova ou des habitants des kibboutz n’est pas perçu de la même manière. Pourquoi ? Sans doute parce que nous sommes plus rebutés par la mort perpétrée consciemment que par la mort qui fauche aveuglément. Le sentiment qui domine en Israël et en diaspora, c’est que cela fait bien longtemps que les victimes palestiniennes ont recouvert par leur nombre les atrocités commises le 7 Octobre sur les Israéliens.

L’émotion en Israël est également conditionnée par l’histoire longue : non, tout ne commence pas pour les Israéliens le 7 Octobre. Cette date s’inscrit dans une autre temporalité : la longue série du refus arabe et palestinien d’Israël : le refus du plan de partage en 1947 ; puis l’échec, en 2000, du sommet de Camp David ; enfin, le retrait du Sud-Liban en 2000 et le désengagement de la bande de Gaza en 2005.

La leçon qu’en ont tirée la plupart de mes concitoyens, c’est que lorsque Israël se retire d’un territoire, il y perd en sécurité. Comment voulez-vous plaider, comme je le fais avec mon bâton de pèlerin, pour le retrait de la Cisjordanie ? Mais attention, je n’ai pas une lecture hémiplégique du conflit : il y a eu la Nakba en 1948 et il y a l’occupation depuis 1967. Trop de mes concitoyens refusent de comprendre que notre droit imprescriptible à l’existence nationale et étatique ne peut moralement se réaliser en persistant à dénier le droit à l’existence nationale et étatique des Palestiniens.

D.F. : Affirmer que la mort fauche aveuglément à Gaza, quand un ministre dit trouver moral d’affamer les deux millions d’habitants, quand on bombarde des écoles où l’on a demandé aux déplacés de trouver protection, quand on tire sur des personnes venues se ravitailler, quand on tue dans des camps de torture, c’est ajouter à l’injustice de l’inégalité des vies l’injustice de sa justification.

Dans ce contexte, prendre parti pour la souffrance des Palestiniens et se faire la critique de la politique du gouvernement israélien a pu être taxé d’antisémitisme…

D.F. : Le paradoxe est que la critique d’un gouvernement dominé par l’extrême droite, pratiquant le suprémacisme religieux, irrespectueux du droit international, accusé de génocide, ait pu être assimilée, en démocratie, à de l’antisémitisme. Cette accusation a été instrumentalisée après le 7 Octobre dans la plupart des pays occidentaux pour réduire au silence les protestations contre les massacres commis à Gaza et les demandes d’un cessez-le-feu.

Il faudrait revenir à la lettre de la définition de l’Alliance pour la mémoire de l’Holocauste reconnue en 2016 par 31 Etats, dont la France, l’Allemagne, les Etats-Unis et Israël, qui affirme que critiquer Israël comme on critiquerait tout autre Etat ne peut pas être considéré comme de l’antisémitisme. Sans compter l’explication de texte fournie par les 350 spécialistes des études juives du monde entier dans la Déclaration de Jérusalem en 2020, qui précise que s’opposer au sionisme en tant que forme de nationalisme, ou plaider pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions, ne relève pas de l’antisémitisme. Une telle reconnaissance ferait reculer le véritable antisémitisme, lequel doit bien sûr être condamné.

Lors d’une manifestation contre l’antisémitisme organisée par le Crif, à Montpellier, le 27 août 2024. (Pascal Guyot/AFP)

D.C. : Oui, mais vous omettez de dire dans votre livre que l’antisémitisme en France tue. Vous évoquez l’antisémitisme pour dire qu’il est encore largement d’extrême droite, mais surtout pour gloser sur l’instrumentalisation de l’antisémitisme par Israël et par les institutions juives, etc. L’antisémitisme n’est pas qu’un discours, c’est un passage à l’acte, comme on l’a vu récemment avec l’attaque de la synagogue de la Grande-Motte. Quant à l’antisémitisme de militants de l’extrême gauche, vous n’en dites rien. Pourtant, il y a des discours qui ne trompent pas. Mais, en vérité, ce ne sont pas tant les préjugés antisémites qui me préoccupent que la violence antisémite, qui a très fortement augmenté depuis le 7 Octobre.

D.F. : Les enquêtes montrent qu’il y a en France un recul progressif du sentiment antisémite, mais avec une recrudescence lors des guerres contre les Palestiniens. L’antisémitisme est évidemment une réalité, comme le sont d’ailleurs l’islamophobie et le racisme anti-arabe, aujourd’hui plus prévalents dans notre société. Les Français sont quatre fois plus nombreux à dire qu’ils ne se sentiraient pas à l’aise si leur voisin était musulman que s’il était juif.

Rassemblement de soutien aux Palestiniens, place de la Nation à Paris, le 8 septembre 2024. (Fiora Garenzi/Hans Lucas)

Denis Charbit, à quel moment l’antisionisme recoupe-t-il l’antisémitisme ?

D.C. : «Antisémitisme» et «antisionisme» ne doivent pas être confondus. L’accusation d’antisémitisme doit être l’arme du dernier recours. Je suis terrifié de voir le ministre des Affaires étrangères israélien dénoncer Joseph Borrell comme un antisémite. C’est consternant. Mais quiconque se dit antisioniste doit se poser en permanence la question de son lien potentiel à l’antisémitisme. Toute remise en cause de l’existence de l’Etat d’Israël – pas de sa politique – peut converger avec l’antisémitisme, car il n’est pas un seul pays qui colonise, occupe et fait la guerre dont on réclame la disparition, excepté Israël. Cette exception mérite réflexion, tel le slogan «Free Palestine from the river to the sea», qui induit la disparition d’Israël et des Juifs en Israël.

D.F. : Il faut rappeler que ce slogan est présent en 1977 dans la Plateforme du Likoud, parti le plus souvent au pouvoir depuis un demi-siècle, soit onze ans avant sa formulation dans la charte du Hamas. «De la mer au Jourdain, il n’y aura de souveraineté qu’israélienne», proclame le texte. Le Premier ministre l’a rappelé à plusieurs reprises dans les mois qui ont précédé le 7 Octobre, y compris en montrant devant l’Assemblée générale des Nations unies une carte du Moyen-Orient sur laquelle Israël avait absorbé la Cisjordanie et Gaza. La colonisation de la première et la destruction de la seconde indiquent d’ailleurs que, loin d’être menacé dans son existence, l’Etat hébreu œuvre à la disparition de la Palestine.

Comment sortir de cette situation où la perspective d’une solution pacifique semble inconcevable ?

D.C. : Ce n’est pas en invoquant l’exemple de l’Afrique du Sud, comme Didier Fassin le fait dans son livre, que l’on va inciter les gouvernements occidentaux à réviser leurs positions et convaincre les Israéliens qu’ils ont tort de coloniser. C’est en leur disant qu’ils ont les moyens d’imposer à Israël le retrait des colonies et le retour aux frontières de 1967. A tout prendre, je préfère la partition exemplaire qu’ont réalisée Tchèques et Slovaques. Havel n’est pas moins valeureux que Mandela.

Nonobstant leur effroyable condition, ce n’est pas favoriser la réconciliation entre les deux peuples que de dire aux Palestiniens : vous souffrez, donc tout est permis. L’indépendance d’Israël n’est pas négociable, pas plus que celle de n’importe quel Etat de la planète, et c’est vrai aussi de la Palestine. C’est pourquoi notre devoir comme intellectuel n’est pas de délivrer des permis de tuer, mais de donner des «conseils de prudence», comme dit Camus.

D.F. : Des intellectuels délivrant des permis de tuer ont, en effet, été entendus en Israël après le 7 Octobre, et c’est regrettable. Mais le cas de l’Afrique du Sud, où j’ai mené des recherches pendant huit ans, mérite l’intérêt, car il montre les conditions de possibilité d’un chemin vers la paix. En 1994, après un siècle de ségrégation, puis d’apartheid, le pays était au bord de la guerre civile. Et pourtant, une transition démocratique et pacifique a eu lieu.

Trois éléments ont permis cette évolution heureuse : l’existence de mouvements de résistance dans le pays, soutenus par les syndicats et des églises ; la multiplication des pressions internationales, avec la campagne de boycott, désinvestissement et sanctions ; enfin la présence d’un leader visionnaire, Nelson Mandela, et d’un politicien pragmatique, Frederik De Klerk. Aucune de ces conditions n’existe malheureusement aujourd’hui en Palestine

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